mercredi 27 novembre 2013

Le poisson rouge

Un poisson rouge vit dans un bocal au fond de l'océan. Il y est depuis si longtemps qu'il est très habitué à son bocal, il en connaît les limites, les contours, il sait que l'eau dont il a besoin est contenue à l'intérieur.

En dehors du bocal, il ne sait pas. Il y pense parfois, et oublie bien vite. Un jour, il apprend que le bocal va inévitablement se briser et qu'il devra abandonner cette existence délimitée par le périmètre du bocal. On lui dit que cela s'appelle « mourir». Son destin, après la fin du bocal, lui est tout à fait inconnu, il a très peur. Y a-t-il de l'eau dans l'océan hors de son bocal ? Il craint bien que non.

Va-t-il survivre à la destruction du bocal ?

Il est persuadé que non. Et surtout, il est très attaché à ses mouvements dans le bocal, à la vue qu'il a depuis le bocal et qu'il n'échangerait pour rien au monde contre autre chose, contre un inconnu, malgré les souffrances que lui cause souvent l'enfermement dans le bocal.

Il n'existe dans sa mémoire rien de comparable à l'univers de son bocal, il ne veut rien d'autre. Quand le bocal vient à se briser, le poisson est rendu à l'océan, il réalise que l'eau est présente hors du bocal, que l'espace y est infini et que son attachement au bocal ne venait que de l'oubli de la nature de l'océan dont il provient, à l'origine.

Quand le bocal se brise, rien ne se passe. L'eau retourne à l'eau, l'univers réduit du poisson rouge subit une expansion soudaine. Il est libre.

Nous sommes le poisson rouge dans le bocal. 

Mais nous appartenons à l'océan. Tout va bien.

Thierry Vissac

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Oui, nous appartenons à l'infini et portons en nous une semence d'éternité qui ne peuvent que nous paraître vertigineux, tant que nous vivons la finitude.